Programme 2020
FMSH – 54 Bd Raspail 75006 Paris. 18h – 20h
Mis en ligne le 12 janvier 2020
Programme :
Les coopératives et l’émancipation (J-C Mamet)
salle BS1-28
La séance sera consacrée à la pratique des coopératives (SCOP). Partant des écrits de Marx, de son évolution contradictoire, et surtout de l’orientation du marxisme qui misa sur l’Etat en négligeant l’auto-émancipation à laquelle Marx était attaché, nous réfléchirons ensemble sur le lien entre coopération et associationnisme ; en écho avec une séance précédente qu’avait animée Jean-Louis Laville (Réinventer l’association, Desclée de Brouwer, 2019)
Compte tenu de l’expérience de nos deux invités nous débattrons du rôle et de la part des coopératives dans l’émancipation du travail comme de la sortie de la subordination. Nous réfléchirons également sur l’articulation possible entre les politiques publiques et les acteurs des coopératives, moyen pour interroger les apports et les limites du statut juridique récent des sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic).
Intervenants :
Benoit Borrits, essayiste et concepteur du site www.economie.org – auteur de Au-delà de la propriété, pour une économie des communs (La découverte-2018).
François Longérinas, journaliste, directeur de la coopérative EMI (Ecole des métiers de l’information) – auteur de « Avec les Fralib, de la résistance à l‘alternative les luttes s’alimentent des luttes »
Habermas et Honneth, leur rapport à l’émancipation. Les apports et limites de la seconde école de Francfort (J-L Laville)
salle BS1-28
La séance se propose de réfléchir sur ce que l’on a coutume d’appeler la seconde école de Francfort. Il s’agira de questionner l’interprétation courante selon laquelle les auteurs auraient rompu avec la radicalité de la première école de Francfort.
Ainsi, Habermas, fréquemment considéré comme un auteur valorisant le consensus, peut être abordé comme celui qui centre son analyse sur la « tension irréductible entre capitalisme et démocratie ». Nous interrogerons les concepts, de monde vécu, d’agir communicationnel, mais aussi les différentes formulations, en usage dans ses travaux, qui lui permettent de réintroduire une forme d’émancipation accessible à tous et à toutes.
La référence à une situation de communication idéale dans des espaces publics se situerait en deçà de la « colonisation » par l’État et le capitalisme, ce qui stimule la réflexion de Honneth, son successeur à Francfort. Celui-ci relève, de façon très lucide, la quête d’une strate relationnelle sans contrainte chez Habermas, qui sert de référent implicite à la critique. Mais, chose étonnante, il ne s’y oppose pas. Sa théorie de la reconnaissance reprend le projet qui vise à révéler l’existence d’une pratique de communication intersubjective au sein de laquelle les individus, dans les sociétés modernes, ne sont ni méprisés, ni réifiés.
Au total les apports d’Habermas et d’Honneth sont précieux bien qu’ils ne parviennent pas à réaliser pleinement le projet fondateur de Francfort, celui d’un dialogue entre philosophie politique et science sociale. Cette séance s’efforcera, si possible, de préciser comment il est possible de penser avec et contre Habermas et Honneth afin de saisir autrement l’émancipation.
Epistémologies du sud et émancipation (Boaventura de Sousa Santos)
Cette séance est consacrée à la présentation du livre de Boaventura de Sousa Santos « Epistémologies du Sud »
salle A3-50
Le volume dont il sera question au cours de la séance est à considérer comme une introduction à l’ensemble de ses thèses. Destiné à provoquer des réactions, il permet d’identifier des points nodaux de sa réflexion sans pour autant restituer les étapes de son élaboration intellectuelle. Revendiquant également une forme baroque, il peut même irriter par son ambition. Pourtant, l’ouvrage nous permet de nous éloigner des références habituelles à condition de se laisser emporter par le dérouler de paysages qui nous ont été cachés.
Avant d’embarquer, une mise au point préalable s’impose toutefois. Les épistémologies du Sud ne témoignent pas d’une récrimination en faveur d’une quelconque région du monde. Le Sud n’est pas une entité géographique. Certes, les populations dont il est question ont été les plus touchées par les inégalités et discriminations dues au capitalisme et au colonialisme ; elles vivent dans l’hémisphère sud. Mais le Sud existe également dans le Nord, de même qu’il existe dans les pays du Sud des oligarchies qui profitent de l’ordre dominant. La série d’outils intellectuels suggérés pour repenser la justice globale et l’émancipation s’adresse donc à toute la planète et ne saurait être abordée comme la préconisation d’une voie unique, contre-projet symétrique de ce que voudrait être aujourd’hui le néolibéralisme.
La prise en compte de la pluralité participe de la démarche. Ce livre n’est ni un manuel, ni une cartographie des résistances à l’œuvre mais une ouverture à la diversité. Si la théorie propre à la théorie occidentale s’essouffle ce n’est pas seulement en raison des ruses du capitalisme mais à cause des limites qu’elle contient inhérentes à sa visée uniformisatrice.
: La Boétie, Discours sur la servitude volontaire, sa lecture par Absensour, son actualité…
Lecture collective du texte de La Boétie le 14 mai (salle BS1-05) et critique le 4 juin (BS1-28)
Jadis professeur de philosophie à Paris VII, Miguel Abensour, décédé en 2017, fut un infatigable lecteur, et passeur, de textes philosophiques, comme l’illustre son activité de directeur de la collection Critique de la politique, publiée chez Payot, puis chez Klincksieck. Les livres qu’il publia, et son œuvre personnelle offrent une réflexion constante sur la question de la domination, et sur les conditions même de l’émancipation politique. C’est également ainsi qu’il faut lire son commentaire du Discours sur la servitude volontaire de La Boétie.
Dans ce texte, publié en 1574 après la mort de l’auteur, La Boétie s’interrogeait sur les raisons pour lesquelles une population accepte de se soumettre à un pouvoir donné. Pour lui, en effet, la domination (la servitude) ne résultait pas d’une contrainte, elle était volontairement acceptée : les hommes étaient donc responsables de leur condition. Contrairement à certains commentateurs qui n’ont trouvé dans ce texte qu’une description cynique du pouvoir, Abensour l’interpréta non seulement comme une analyse exemplaire des ressorts de la domination, mais aussi comme un vibrant appel à la liberté et à l’émancipation, et comme une discussion originale sur les fondements de la communauté politique : non pas celle des « Tous un », mais celle des « Tous uns », respectueuse de la pluralité, autrement appelée le Contr’un (autre titre ou sous-titre du Discours de La Boétie).
Nous lirons ensemble au cours de la séance du 14 mai et commenterons le 4 juin ce texte en réfléchissant sur sa pertinence actuelle.