La victoire de Trump aux Etats-Unis quelques mois après le Brexit manifeste avec éclat la puissance des effets boomerang dans les pays qui ont été à la pointe de la mondialisation capitaliste depuis près de quarante ans. Le national-populisme, parfois à tendance religieuse, est la tendance dominante aujourd’hui. Ici ou là, en Turquie ou en Russie, des despotismes et des dictatures se reconstituent et se renforcent. L’optimisme « libéral-démocratique » qui a succédé à la fin des sanglantes dictatures latino-américaines et à la chute du mur de Berlin n’est plus de mise. Les évolutions en cours révèlent une extrême faiblesse de la gauche. Cette faiblesse est générale. On en voit toutes (...)
Pour un projet d’émancipation : retour critique
30 janvier 2017
Multiculturalisme ou laïcité
20 janvier 2017Aurions-nous abandonné l’idéal d’universalité ? Le multiculturalisme semble en effet s’imposer partout dans le monde. Le repli au sein d’une communauté de semblables apparaît comme la solution à la xénophobie croissante, au rejet de l’autre.

Le Brexit. Qu’en penser ?
7 novembre 2016Il est des événements dont l’importance historique est immédiatement et unanimement perçue, et à propos desquels il est vite proposé, à tort ou à raison, une explication prétendue définitive.
Tel fut le cas pour ladite « chute du mur de Berlin ».
Le Brexit appartient à la catégorie contraire de ces « surprises » qu’on peine à décrypter et dont on a du mal à prendre la mesure, au point de douter de sa nature « événementielle » et de tenter au final de la déclassifier dans le « non-événement ». Somme toute, le Royaume-Uni n’était précédemment qu’à demi dans l’Union européenne. La rupture évoquée ne va-t-elle pas le conduire à n’être qu’à demi en dehors ?
Telle n’est pas l’approche adoptée ici. (...)

Plaidoyer pour François Hollande
et plus généralement pour l’art du pied de nez politique
20 octobre 2016Les voici tous à brocarder François Hollande pour ses propos tenus à deux journalistes. A commencer par ceux qui hier encore plastronnaient, brandissant les petites phrases et grandes photos d’un Hollande déterminé à être candidat à la présidentielle de 2017, donc à accepter la primaire socialiste. Discours de Wagram, « Je suis prêt » à la une de l’Obs, clins d’œil indiquant son « envie »... Ils étaient enfin rassurés tous celles et tous ceux qui sont sûrs de l’importance pour leur propre intérêt que Hollande y aille. Y compris pour être défait. Elle est fort hétéroclite la chaîne des experts en coups tordus : Marine Le Pen veut que Sarkozy soit candidat, qui veut que Hollande soit (...)

L’avenir du mouvement contre la loi travail à la lecture de l’histoire du « mouvement social »
19 septembre 2016Quel bilan tirer du mouvement social contre la loi travail ? Et d’abord où en est-il ? Rien ne dit qu’il est fini. Il a eu et il y aura peut-être encore « quelque chose » d’inédit. Pourra-t-il inventer et rebondir sans se contenter d’espérer la répétition du « même » en plus gros ? C’est à la lumière de l’histoire du mouvement social de ces vingt dernières années, que nous pouvons tenter d’y apporter certains éléments de réponse.
Dans un précédent texte du Collectif Critique sur la signification du mouvement contre la loi Travail, nous avions employé le terme de « perforation » du néolibéralisme. La formule renvoie à l’image d’une carapace à percer. Il donne aussi à imaginer une société (...)

Les migrations entre passé et présent. II
20 juin 2016La question centrale que se posent toutes les sociétés est donc bien celle-ci : avec qui accepte-t-on de partager l’espace et les biens communs ? Les formes d’accueil ont sans doute à voir avec les structures politiques mais elles relèvent aussi de l’événement : famine, crise religieuse ou politique, guerre — c’est-à-dire de l’état de la société. Revenons à notre exemple des Goths qui au IVe siècle de notre ère frappent aux portes de l’empire romain, avec femmes et enfants, et qui demandent l’asile sous la pression des Huns. Ils sont très semblables à ces Syriens fuyant Daesch et Assad, ou à ces Somalis fuyant Dadaab. Or l’empereur hésite avant d’accepter. Puis, les fonctionnaires romains chargés de l’installation de ces demandeurs d’asile sont désorganisés, corrompus, inefficaces. Le désordre est tel que les Goths se révoltent : c’est la guerre et Rome connaît une cuisante défaite deux ans plus tard à Andrinople.
L’exemple est à méditer : avant cet épisode Rome a pratiqué intensivement l’intégration, forcée ou volontaire, des peuples étrangers ; or en 376 cela ne marche plus. Et l’une des causes est que l’Empire lui-même est fragilisé et que depuis un siècle il commence à se fermer, à se territorialiser, à réifier la romanité, en la définissant par hostilité aux autres. C’est ce qui se passe de nos jours. On réifie l’identité européenne, on se ferme, on rejette l’autre….Dans les médias et sur toutes les places publiques, on parle de « la crise des migrants » mais n’est-ce pas les sociétés d’accueil aussi qui sont en crise ?

Les migrations entre passé et présent. I
13 juin 2016Ce n’est pas la première fois qu’on parle d’une « crise des migrants » et que l’on cherche, comme aujourd’hui en Europe, en Turquie, en Malaisie, aux Etats Unis, comme au Kenya ou en Thailande, c’est-à-dire comme partout dans le monde, à les expulser, à les renvoyer dans leur pays d’origine ou à les expédier dans d’autres pays. Ce n’est pas non plus la première fois en Europe que l’on songe à expulser les immigrés les moins fortunés : l’Angleterre, ce pays le plus ouvert à l’immigration et à l’asile jusqu’au XXe, moins toutefois par humanitarisme que par mercantilisme et intérêt économique, émit en 1905 un Alien Act, pour empêcher l’entrée des migrants pauvres, le plus souvent des Juifs (...)

Le mouvement contre la « loi travail » perfore le néolibéralisme
5 juin 2016Une fois de plus, nous participons à un « mouvement social » qui ne ressemble à aucun autre. Pourquoi ? Justement parce qu’il n’a pas commencé comme un mouvement social, même s’il est en train de se transformer. C’est un mouvement formé de plusieurs forces convergentes, qui entrent en scène les unes après les autres, de manière décalée, agissant sur des plans différents de l’espace socio-politique : jeunesse précaire à cheval sur le lycée, la fac et le salariat, salariés-es de grandes et très petites entreprises du privé qui découvrent progressivement le contenu concret de la loi, mobilisation syndicale dans certains « bastions » en dépit des effets de l’offensive libérale depuis 30 ans. (...)

Ukraine : la guerre !
par Antoine Artous et Francis Sitel
14 avril 2022Jusqu’à la dernière minute on a continué à croire que l’offensive de Poutine contre l’Ukraine ne pouvait avoir lieu, que les alertes des services de renseignement américains relevaient de la propagande.
Les Russes sont soumis à l’obligation de croire qu’il n’y a pas de guerre, mais une simple « opération militaire spéciale ». Le mot même de guerre est frappé d’interdit, et ceux qui le prononcent, sans parler de ceux qui ont le courage de dire qu’ils s’y opposent, sont l’objet de mesures répressives démesurées.
Par rapport à eux nous avons le privilège d’échapper au déni. La guerre est en cours, avec son cortège d’horreurs, de drames humains, de risques majeurs pour l’avenir. Ce pourquoi le pacifisme n’est pas une option pour reprendre la pertinente formule d’Etienne Balibar.

Z. ou le spectre du passé
par Michèle Riot-Sarcey
15 février 2022L’ascension soudaine du journaliste du Figaro auprès d’un électorat de bourgeois parvenus à une certaine aisance, s’explique largement par la présence d’une opinion, bien ancrée sur le sol national, en train de perdre ses repères et qui rêve d’une France mythique. Que cet électorat cherche à conserver ses privilèges ou aspire à maintenir sa part de pouvoir, réel ou symbolique, il n’hésite pas à s’associer à des groupes de nervis uniquement guidés par la haine de l’autre, quel qu’il soit.
Ne nous y trompons pas, Zemmour est très éloigné d’un public populaire dont une part non négligeable s’est réfugiée dans les bras du lepénisme. Le chemin emprunté par les adeptes du récit national, zélateurs d’une France dominante, n’a jamais été refermé. Il s’est modelé dans l’ombre d’une République qui fut construite sur une série d’impensés.

Et si on parlait d’Utopie !
par Jean-Louis Laville et Michèle Riot-Sarcey
9 mai 2020En ces temps d’enferment contraint, quand tout échange direct est impossible, la voie de l’écriture est sans doute le moyen la plus adéquate pour faire entendre une réflexion que nous aimerions énoncer à haute voix auprès d’un public sensible à l’actualité de l’utopie.
La République peut-elle rester la même le jour d’après ?
par Michèle Riot-Sarcey
10 avril 2020Pour l’heure les nouvelles sont de plus en plus difficiles à concevoir, de Saint-Denis à la frontière Gréco-Turque, de la Syrie aux migrants isolés, de l’annonce chaque soir du nombre de morts toujours croissant, le présent nous saisit d’effroi à chaque instant de confinement en révélant les inégalités les plus criantes et désormais visibles aux yeux de tous et de chacune. Il est donc encore plus malaisé de prendre ses distances avec la vie non ordinaire qui est la nôtre aujourd’hui, partout dans le monde.
L’Affaire
par Gisèle Berkman
9 mars 2020Nos temps sont épidermiques, médiatiques et victimaires. Sur la base de revendications dont on ne saurait contester le bien-fondé (le droit des femmes à ne plus être assujetties à la toute-puissance masculine, la dénonciation des abus de pouvoir), s’élèvent, faute du travail critique nécessaire, de bien douteux combats.
Briser l’isolement du peuple syrien !
par Francis Sitel
2 mars 2020Le peuple syrien est aussi victime de l’intérêt à éclipses que porte l’opinion internationale à sa révolution et aux drames qui l’ont frappée. « Révolution orpheline », « longue nuit syrienne »... « La Syrie, un drame qu’on veut oublier », comme le dit Michel Duclos.

L’Algérie est au bord de l’éclosion
par Mohammed HARBI et Nedjib SIDI MOUSSA
13 mars 2019Le surgissement populaire du 22 février constitue une rupture majeure dans notre histoire comme dans celle du Maghreb. Il s’agit de la consolider et d’élargir le champ des possibles. Aujourd’hui, les Algériens ont remporté une première victoire.
Notre tâche prioritaire est de tirer la leçon du soulèvement d’octobre 1988 et d’éviter à nouveau le « détournement du fleuve », à savoir la confiscation de la souveraineté populaire qui est à l’origine de l’autoritarisme sous sa forme actuelle.
Nous sommes devant une nouvelle crise du régime mais le peuple algérien a déjà tranché. Le FLN a vécu, le cinquième mandant aussi. L’annonce du président, ce 11 mars 2019, ne fait qu’entériner cet état de fait.
Ici et là, des alternatives politiciennes sont proposées par les démocrates au nom (...)

Gilets jaunes et plébéiens
par Claudia Moatti, professeure d’histoire antique à l’Université de Paris 8 et à l’University of Southern California
19 janvier 2019Le paradoxe est éclatant : nous transformons en patrimoine la Révolution française mais nous tremblons devant les rébellions actuelles. Nous nous comportons ainsi comme les sénateurs romains du dernier siècle de la République, qui, tout en reconnaissant l’utilité des révoltes passées (les fameuses sécessions de la plèbe du Ve siècle avant notre ère), condamnaient celles de leur époque. Les historiens qui écrivirent sous l’Empire voyaient pourtant plus qu’une analogie entre les deux. Au moment où la situation politique nous met en demeure, à notre tour, de réfléchir et de comprendre l’état de notre société, leur récit a quelque chose à nous apprendre.