Collectif Critique

L’Union européenne en son miroir grec…

Mis en ligne le 17 mars 2016

Du temps passé de sa prospérité et de son assurance, l’Union européenne offrait l’adhésion à une Grèce pauvre, mais si riche d’histoire, de culture et… d’atouts géopolitiques !
Cette même Grèce en élisant un gouvernement Syriza, qui s’engageait sur la voie de la rupture avec l’austérité et la tutelle de la troïka, a osé défier les instances européennes et porter atteinte au sacro-saint ultralibéralisme.
Ce pourquoi les classes dirigeantes n’ont eu de cesse de briser l’élan du peuple grec, et d’étouffer ce qui risquait de s’avérer exemplaire pour les autres peuples du continent.
La Grèce étant une nation membre de plein droit de l’Union, il n’y avait nulle raison à l’appauvrir économiquement, à l’humilier politiquement, à enclencher contre elle une dynamique d’expulsion de l’eurozone d’abord, de l’Union ensuite…
Une logique d’ostracisation mise en œuvre sans mesure ni raison.
On en voit les conséquences aujourd’hui. A l’heure où l’Europe, avec les mouvements migratoires, se voit confrontée à un grand défi humanitaire et civilisationnel. 
Davantage encore que l’Italie, la Grèce se trouve en première ligne pour l’accueil des réfugiés et migrants qui rejoignent l’Europe en quête d’un asile. Mais la Grèce est loin de disposer des moyens économiques lui permettant d’affronter une telle situation. D’autant qu’elle a été sciemment appauvrie par cette Union européenne qui à présent se défausse de ses responsabilités à l’égard des migrants.
En toute indécence celle-ci menace la Grèce d’une mise à l’écart de l’espace Schengen. Cela au moment où celui-ci est précisément en voie de dislocation ! Lorsque la Turquie se montrait récalcitrante à verrouiller sa frontière vers l’Europe, a pris corps une idée folle : tous ces migrants qui sont parvenus au risque de leur vie à franchir la Méditerranée, les enfermer dans les étroites limites de la Grèce. Au risque de provoquer un chaos qui la fasse exploser.
De la part des classes dirigeantes et des gouvernements, que d’incohérences ! Que d’irresponsabilité !
Voici Angela Merkel, qui hier encore envisageait l’expulsion de la Grèce de l’Union en punition de sa légèreté, qui aujourd’hui appelle à la raison les autres gouvernements, les invitant à se montrer solidaire d’une Grèce à la peine.
Dans le miroir grec, c’est une réalité bouleversante que l’Union européenne doit regarder en face. Le chômage de masse, l’austérité, la déliquescence démocratique, les tensions géopolitiques, les guerres, les mouvements de population… Ce sont là autant de défis qui appellent des réponses inédites et radicales !
Non pas des marchandages assez honteux avec le pouvoir turc : pour quelques dizaines de milliards d’euros, assortis de la promesse fallacieuse d’une intégration à l’Union (après avoir menacé la Grèce de son expulsion), l’engagement de trier réfugiés et migrants, de garder certains et d’en rejeter d’autres...
La réponse c’est une rupture avec les politiques dominantes aujourd’hui : de destruction des acquis sociaux, de dérives autoritaires et sécuritaires, d’adaptations aux poussées nationalistes, xénophobes et racistes, lesquelles sont nourries par ces mêmes politiques d’austérité et de régression sociale...
Plutôt que de morigéner sans cesse une Grèce qu’on s’acharne à appauvrir, c’est en solidarité avec elle que l’Union européenne et ses États membres les plus puissants devraient engager ce grand tournant.
Faute de quoi, c’est l’existence même de l’Union qui est menacée.
Un accueil digne et durable des réfugiés et migrants est possible. A condition de mobiliser les moyens matériels existants (par le passé, et dans des conditions économiques plus difficiles, les pays européens ont su assumer des mouvements migratoires tout aussi importants), et de (se) convaincre qu’est en jeu l’avenir de nos sociétés.

Encore faut-il que les États membres fassent montre de lucidité et de volonté !
Cela avec l’aide de la Grèce, qui de longue date connaît le sens du mot hospitalité.

Pour citer ce texte : "L’Union européenne en son miroir grec…", Collectif Critique, 17 mars 2016, URL : http://collectifcritique.org/spip.php?article9