Dans une contribution publiée sur ce site, Jean-Louis Laville et Genauto Carvalho de França Filho défendent l’idée (que je partage) d’une distinction dans l’approche de l’économie, entre l’économie « marchande » et l’économie « substantive ».

Economie, travail, Etat « social »
par Jean-Claude Mamet
10 mai 2020
Redevenir humains
par Claudia Moatti
9 mai 2020Depuis le début de la crise, on s’interroge sur ce que le Covid 19 a de commun avec la globalisation. De nombreux articles ont répondu partiellement, mettant en cause par exemple l’intensité de la mobilité humaine, qui a permis au virus de contaminer avec une rapidité inédite, égale à celle avec laquelle les virus informatiques se répandent. C’est précisément ce qui fait la spécificité de cet épisode pandémique : jamais auparavant l’humanité n’a été concernée à une telle échelle, presque de manière instantanée. Nous vivons un moment historique : la globalisation en direct, tout convergeant vers un point, le maintenant de la crise. Le temps est suspendu, et l’espace s’est étréci d’un coup, (...)

Le virus et la langue
par Gisèle Berkman
9 mai 2020Comme pour narguer notre propension à tout dématérialiser, Covid19 nous a rendus malades du toucher. Même après un paiement soi-disant “sans contact”, il nous faut à présent désinfecter nos cartes bleues ! Et nous voici entraînés dans l’infernale noria des gestes : désinfecter la main qui a tenu le coton imbibé de solution désinfectante, et aussi la serrure qui a reçu la clé contenue dans le sac qui a connu la rue… chaque geste en enveloppe un autre, en un jeu de poupées russes où pourrait bien s’épuiser la journée d’un hypocondriaque. Mais les hypocondriaques et les “TOC”, nous dit-on, se portent plutôt bien en ces temps affolants : c’est que l’épidémie leur donne raison, et que l’on n’est jamais trop précautionneux dans un monde où tout contact se réplique en une série sans fin – jusqu’à cette boucle absurde, ce vertige pour métaphysicien fou, d’une désinfection se désinfectant elle-même.

L’horizon des possibles solidaires
par Michèle Riot-Sarcey
9 mai 2020La réorganisation économique au service d’une politique commune devrait être l’horizon des possibles des populations qui aujourd’hui vivent dans un temps suspendu, entre un hier défait par le néolibéralisme et un demain menacé par un « capitalisme du désastre ».

Les droits de la personne et le modèle de l’entreprise
25 mai 2016L’entreprise est aujourd’hui valorisée comme jamais elle ne l’a été auparavant. Elle donne lieu à tout un imaginaire au prisme duquel elle apparaît comme une promesse d’autonomie pour l’homme. Dans les discours managériaux elle est volontiers présentée comme le lieu dans lequel l’« humain » et les « relations humaines » se verraient reconnaître la première place, loin de toutes les pesanteurs bureaucratiques qui caractérisent le « monde extérieur ». Tout récemment, on a pu entendre des partisans de la loi travail défendre le renversement de la hiérarchie des normes (les accords d’entreprise doivent avoir priorité sur les accords de branche et les lois et règlements nationaux) au prétexte (...)

Syrie : la guerre impensable...
5 mai 2016La guerre a repris à Alep. Des bombardements, avec leur lot de victimes, les destructions, dont celle d’un hôpital... Dans les guerres c’est ainsi. Il peut y avoir des trêves, mais suivies de reprises des hostilités, avant peut-être une nouvelle trêve... On dit mener des négociations de paix (à Genève de préférence), mais sans empêcher la poursuite des affrontements sur le terrain, pour marquer des points, déplacer les lignes, et développer la propagande quant aux responsabilités de tous ces drames. C’est bien une guerre qui ravage la Syrie. Avec des centaines de milliers de morts, des millions de déplacés et d’exilés, des villes détruites, des trésors culturels millénaires pillés (...)

Debout !
2 mai 2016Nuit debout n’est pas facile à saisir. Le mouvement intrigue, déroute quand il n’inquiète pas. Pourtant, il prend de l’ampleur, malgré les hésitations et le peu d’engagement de ceux qui regardent s’agiter la jeune génération sans se donner les moyens d’écouter, de ceux qui restent impuissants face à ces anonymes qui marchent à côté de leur système de pensée. Or, comprendre cette forme d’expression nouvelle, en rupture avec le monde sans voix auquel nous étions contraints, c’est découvrir l’immensité d’une plainte souterraine si longtemps enfouie sous les décombres des modernités fictives. Depuis quelques années, à l’échelle de la planète, à la faveur de situations singulières, une partie de (...)
Acquisition et transmission du savoir
30 avril 2016Jamais autant de connaissances n’ont été mises à notre disposition par les outils numériques mais cette abondance fait illusion car elle réduit l’expérience acquise à un bien pesé à l’aune du néo libéralisme, un bien que les ordonnateurs et autres régulateurs du système veulent d’abord utilitaire, destiné à une application pratique et avant tout marchande au profit immédiat. De ce fait jamais la confusion entre savoir et connaissances n’a été aussi grande et jamais l’acquisition du savoir et sa transmission n’ont été aussi problématiques. En effet, ce que l’on nomme savoir n’est pas une addition de lectures et d’expériences, recherchées pour un usage précis, une acquisition rapide et (...)
Pour l’émancipation : le droit d’avoir des droits
28 avril 2016Posons la question sans détour : pourquoi y a-t-il un droit et un Code du travail ? Cette question a fait couler beaucoup d’encre chez les juristes, avant et après 1910 (date de première compilation du Code), et notamment chez ceux qui se situent dans la tradition du Code civil (1804, un siècle auparavant) sensé régler toutes les relations entre personnes, les litiges sur leurs biens, les problèmes de propriété, les conventions passées, etc. Il n’y avait donc nul besoin, dans cette compréhension, d’un droit spécial pour les relations de travail. Tout au long du 19ème siècle, la Cour de Cassation a cassé des jugements qui semblaient donner une dynamique d’extension collective, ou (...)
38 mars 2016
9 avril 2016Les articles affluent sur la nuit debout. Chacun y va de son conseil et le monde politique commence à s’inquiéter du devenir d’une expérience dont certains pressentent l’échec, en l’absence d’un débouché dit politique. Or, de leçon il n ‘est guère question dans les débats, sinon que l’expérience doit perdurer, le temps qu’il faudra, pour que chacun puisse prendre enfin le temps de la réflexion, à distance des échéances immédiates, qu’elles soient européennes, mondiales, politiques, économiques, sociales ou culturelles, auxquelles le citoyen.n.e et l’individu lambda n’a aucunement été associé. C’est pourquoi après des décennies de contraintes intériorisées, de lassitudes, de colères, de (...)
La « loi travail » est dangereuse
30 mars 2016On débat pour connaître les effets sur le chômage de la « loi travail ». Aucune étude empirique et aucun modèle théorique ne viennent confirmer un quelconque effet bénéfique général d’une flexibilisation du marché du travail sur le taux de chômage. Faut-il donc prendre au sérieux l’argument ? L’essentiel ne serait-il pas ailleurs ? La loi El Khomry, en donnant une valeur et une portée inédites aux « besoins des entreprises », c’est-à-dire en consacrant la priorité de la sécurité des propriétaires de l’entreprise sur la protection des salariés, réalise un grand bond en arrière sur le plan du droit social Sous prétexte de défendre l’emploi en sécurisant les entreprises quant aux risques (...)
L’Union européenne en son miroir grec…
17 mars 2016Du temps passé de sa prospérité et de son assurance, l’Union européenne offrait l’adhésion à une Grèce pauvre, mais si riche d’histoire, de culture et… d’atouts géopolitiques ! Cette même Grèce en élisant un gouvernement Syriza, qui s’engageait sur la voie de la rupture avec l’austérité et la tutelle de la troïka, a osé défier les instances européennes et porter atteinte au sacro-saint ultralibéralisme. Ce pourquoi les classes dirigeantes n’ont eu de cesse de briser l’élan du peuple grec, et d’étouffer ce qui risquait de s’avérer exemplaire pour les autres peuples du continent. La Grèce étant une nation membre de plein droit de l’Union, il n’y avait nulle raison à l’appauvrir économiquement, à (...)

Ukraine : la guerre !
par Antoine Artous et Francis Sitel
14 de abril de 2022Jusqu’à la dernière minute on a continué à croire que l’offensive de Poutine contre l’Ukraine ne pouvait avoir lieu, que les alertes des services de renseignement américains relevaient de la propagande.
Les Russes sont soumis à l’obligation de croire qu’il n’y a pas de guerre, mais une simple « opération militaire spéciale ». Le mot même de guerre est frappé d’interdit, et ceux qui le prononcent, sans parler de ceux qui ont le courage de dire qu’ils s’y opposent, sont l’objet de mesures répressives démesurées.
Par rapport à eux nous avons le privilège d’échapper au déni. La guerre est en cours, avec son cortège d’horreurs, de drames humains, de risques majeurs pour l’avenir. Ce pourquoi le pacifisme n’est pas une option pour reprendre la pertinente formule d’Etienne Balibar.

Z. ou le spectre du passé
par Michèle Riot-Sarcey
15 février 2022L’ascension soudaine du journaliste du Figaro auprès d’un électorat de bourgeois parvenus à une certaine aisance, s’explique largement par la présence d’une opinion, bien ancrée sur le sol national, en train de perdre ses repères et qui rêve d’une France mythique. Que cet électorat cherche à conserver ses privilèges ou aspire à maintenir sa part de pouvoir, réel ou symbolique, il n’hésite pas à s’associer à des groupes de nervis uniquement guidés par la haine de l’autre, quel qu’il soit.
Ne nous y trompons pas, Zemmour est très éloigné d’un public populaire dont une part non négligeable s’est réfugiée dans les bras du lepénisme. Le chemin emprunté par les adeptes du récit national, zélateurs d’une France dominante, n’a jamais été refermé. Il s’est modelé dans l’ombre d’une République qui fut construite sur une série d’impensés.

Et si on parlait d’Utopie !
par Jean-Louis Laville et Michèle Riot-Sarcey
9 mai 2020En ces temps d’enferment contraint, quand tout échange direct est impossible, la voie de l’écriture est sans doute le moyen la plus adéquate pour faire entendre une réflexion que nous aimerions énoncer à haute voix auprès d’un public sensible à l’actualité de l’utopie.
La République peut-elle rester la même le jour d’après ?
par Michèle Riot-Sarcey
10 avril 2020Pour l’heure les nouvelles sont de plus en plus difficiles à concevoir, de Saint-Denis à la frontière Gréco-Turque, de la Syrie aux migrants isolés, de l’annonce chaque soir du nombre de morts toujours croissant, le présent nous saisit d’effroi à chaque instant de confinement en révélant les inégalités les plus criantes et désormais visibles aux yeux de tous et de chacune. Il est donc encore plus malaisé de prendre ses distances avec la vie non ordinaire qui est la nôtre aujourd’hui, partout dans le monde.
L’Affaire
par Gisèle Berkman
9 mars 2020Nos temps sont épidermiques, médiatiques et victimaires. Sur la base de revendications dont on ne saurait contester le bien-fondé (le droit des femmes à ne plus être assujetties à la toute-puissance masculine, la dénonciation des abus de pouvoir), s’élèvent, faute du travail critique nécessaire, de bien douteux combats.
Briser l’isolement du peuple syrien !
par Francis Sitel
2 mars 2020Le peuple syrien est aussi victime de l’intérêt à éclipses que porte l’opinion internationale à sa révolution et aux drames qui l’ont frappée. « Révolution orpheline », « longue nuit syrienne »... « La Syrie, un drame qu’on veut oublier », comme le dit Michel Duclos.

L’Algérie est au bord de l’éclosion
par Mohammed HARBI et Nedjib SIDI MOUSSA
13 mars 2019Le surgissement populaire du 22 février constitue une rupture majeure dans notre histoire comme dans celle du Maghreb. Il s’agit de la consolider et d’élargir le champ des possibles. Aujourd’hui, les Algériens ont remporté une première victoire.
Notre tâche prioritaire est de tirer la leçon du soulèvement d’octobre 1988 et d’éviter à nouveau le « détournement du fleuve », à savoir la confiscation de la souveraineté populaire qui est à l’origine de l’autoritarisme sous sa forme actuelle.
Nous sommes devant une nouvelle crise du régime mais le peuple algérien a déjà tranché. Le FLN a vécu, le cinquième mandant aussi. L’annonce du président, ce 11 mars 2019, ne fait qu’entériner cet état de fait.
Ici et là, des alternatives politiciennes sont proposées par les démocrates au nom (...)

Gilets jaunes et plébéiens
par Claudia Moatti, professeure d’histoire antique à l’Université de Paris 8 et à l’University of Southern California
19 janvier 2019Le paradoxe est éclatant : nous transformons en patrimoine la Révolution française mais nous tremblons devant les rébellions actuelles. Nous nous comportons ainsi comme les sénateurs romains du dernier siècle de la République, qui, tout en reconnaissant l’utilité des révoltes pn militaire spéciale ». Le mot même de guerre est frappé d’interdit, et ceux qui le prononcent, sans parler de ceux qui ont le courage de dire qu’ils s’y opposent, sont l’objet de mesures répressives démesurées.
Par rapport à eux nous avons le privilège d’échapper au déni. La guerre est en cours, avec son cortège d’horreurs, de drames humains, de risques majeurs pour l’avenir. Ce pourq